On me demande souvent pourquoi je n'organise plus de stages. Alors voilà la réponse:
Ce matin, j'ai reçu une lettre recommandée de la CIPAV - caisse de retraite des professions libérales- me réclamant la somme de 348 €, et me menaçant, faute de règlement sous 30 jours, de recouvrement par voie d'huissier. Je revenais justement de la poste, où je m'étais rendue pour expédier un chèque de 125 € à cette même caisse,concernant une autre période comptable.
Certes, ces sommes n'ont rien de colossal. Néanmoins les payer me fait vomir. Car ce qui est colossal, c'est l'injustice qui règne dans le monde artistique.
Savez-vous pourquoi je me suis retrouvée affiliée à la caisse des professions libérales? tout simplement parce que j'ai eu un jour le malheur de déclarer à la Maison des Artistes les maigres bénéfices provenant des stages que j'organisais alors dans mon atelier. En effet, un artiste n'a pas le droit de gagner plus d'argent en faisant des stages qu'en vendant ses oeuvres. Ainsi est faite la loi. Il n'est plus alors considéré comme un "pur et dur", mais comme un "formateur", pouark la honte !!!!
Je ne vais pas m'étaler, mais aller directement à la conclusion: j'ai donc cessé mon activité "honteuse" de "formatrice" et je n'organise plus de stages. Pourquoi continuer une activité si peu lucrative, dont les bénéfices ridicules sont aussitôt reversés à une caisse de retraite impitoyable, activité qui néanmoins nécessite d'avoir un atelier correct, un équipement adéquat, des stocks de fournitures coûteuses -pierre, argile, grillage, limes, ciseaux, rifloirs, colle, etc, sans parler de la comptabilité cauchemardesque !
Je sais que le monde actuel n'en a plus rien à foutre des artistes besogneux. Le monde a bien d'autres chats à fouetter. Pourtant ces mêmes artistes besogneux il y a bien longtemps ont décoré les grottes de Lascaux, qui aujourd'hui remplissent les caisses du Périgord, Terre de l'Homme et du Foie Gras. Certains d'entre eux, ayant vécu dans la misère et le mépris, engraissent maintenant des générations d'héritiers. J'essaie de calmer ma colère en me disant que j'ai encore de la chance, dans ce monde de merde, d'être bien nourrie, au chaud, à l'abri, et en bonne santé. Mais vous ne m'empêcherez pas d'avoir la haine. Laissez-moi au moins ça, puisque je n'ai plus ni atelier, ni stagiaires, ni certitudes. Et bientôt, si le poison du découragement continue à s'infiltrer sournoisement dans mon âme, je n'aurai même plus l'envie de poursuivre la mission qui m'a été assignée par la Mère Nature: accoucher de mes rêves.
Un galeriste cynique a dit un jour: "un bon artiste est un artiste mort".
Bonne année quand même.
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