mercredi 18 mai 2016

Histoire de la Jument Pénélope



Il était une fois une femme, une vieille petite fille désespérée quittant pour toujours le domicile conjugal avec sa voiture pleine à craquer de sculptures et d’outils, de blocs de béton cellulaire et de trésors inutiles, bouts de tissus et vieux journaux, boutons en bois et sacs de billes, baguettes magiques et  Licornes Merveilleuses ,  trente ans de rêves qu’elle avait empilés d’abord avec prudence puis,  gagnée par la peur viscérale de ne plus avoir la force de partir, avec une impatience frénétique.

Il était une fois une sculpture en terre, une jument nommée Pénélope se retrouvant au sommet de cette invraisemblable pile de rêves dont elle était la dernière-née.

La femme et la jument roulaient vers la Dordogne, vers leur nouvelle vie,  l’une pleurant tout en conduisant, et l’autre tanguant sur le sommet de la pile.

C’est sur une aire d’autoroute où elles s’étaient arrêtées pour se reposer que se produisit le drame : la femme ouvrit le coffre de sa voiture, et Pénélope la jument, mal calée, tomba violemment sur le macadam.

La femme aussi tomba, à genoux, devant Pénélope à terre qu’elle n’osait pas regarder, persuadée qu’elle s’était brisée en mille morceaux, et un énorme chagrin la submergea, car Pénélope était sa Préférée, plus qu’une sculpture : le concentré de tous ses rêves.

Mais, miracle !  Pénélope n’avait rien, juste un petit bout d’oreille cassé qui fut recollé quelques jours plus tard.

Alors ce jour-là,  j’ai promis à ma douce Pénélope l’immortalité du Bronze, et je l’ai faite mouler, pour être sûre de ne plus la perdre.

Maintenant elle trône dans mon atelier sur une étagère, mais elle a définitivement perdu son oreille gauche !

Noizette