Textes


NAISSANCE DES SEPT FEES DE GAGAVIR


Craquent   les  murs et craque le bois,
Tombent  le  gland et la châtaigne,
Souffle le vent,  gronde l’orage,
Venez-vite Oh mes Fées , ola mes Sœurs venez !

Ici j’ai peur, ici j’ai froid,

Donnez-moi  la  force  et  le courage
Relevez  ma tête,  apaisez ma soif,
Soulagez mon cœur et armez mon bras
De la baguette aux  mille pouvoirs

Ici j’ai peur, ici j’ai froid

Alors les Fées sont venues, 
L’une après l’autre,  elles étaient sept,
Et dans la nuit de Gorodka,  pour me protéger, 
Elles ont tracé le cercle magique.

Craquent les murs et craque le bois,
Tombent  le gland et la châtaigne,
Souffle le vent, gronde l’orage,
Aidez-moi mes Fées, aidez-moi,

Ici j’ai peur, ici j’ai froid.
Entre mes mains elles ont pris corps,
Légères  et petites,  fortes et puissantes,
Pour que je n’ai plus froid,
Pour que je n’ai plus peur,

Dans la nuit de Gorodka.



LA FEMME SAUVAGE



Il arrive parfois que la Femme Sauvage, fourbue, épuisée, baisse les bras.

Elle cherche alors refuge dans un noir et profond terrier pour y cacher son désespoir, attendant la Mort, qu'elle sent partout vibrer dans son corps , comme un électrique venin qui l' empoisonne sournoisement.

Mais au fond de ses Viscères murmure une voix, la voix de la Vie. Cette voix, à peine audible certes, est néanmoins tellement autoritaire, que la Femme Sauvage redresse la tête, et sort  de son horrible grotte en courant et en criant et en tendant les mains vers le ciel. Puis elle arrache ses vêtements de mensonge et va se jeter dans l'eau purificatrice de la rivière.





LE CHEMIN DU COEUR

Laisser la main suivre librement le chemin tracé par  le cœur, celui qui mène au Jardin Secret.

Laisser la main hésiter, chercher,  tatônner, s’énerver,   puis s’emballer, trouver son rythme  et triturer, malaxer, cogner, poncer, gratter,  caresser,  peindre, écrire,  créer, détruire, reconstruire, laisser toujours parler  les forces obscures, enfouies, depuis trop longtemps muettes, parce que muselées, ficelées, emprisonnées, emmurées par l’éducation, la conscience, le devoir, le savoir, la morale, les tabous,  le droit chemin, les bons sentiments, et LA PEUR DU REGARD DES AUTRES.

Quelquefois cette main est douce, gentille, naïve, innocente et fraîche, quelquefois elle se fait brute épaisse,  quelquefois elle est complaisante et ne fait qu’effleurer,  quelquefois elle cherche la quintessence, et croit trouver. 

Mais au fond ne trouve rien, parce que la recherche est sans fin,  le but inconnu,  la lumière sans cesse recule,  l’évidence se dérobe.

Et les quelques vérités qu’on croyait tenir au bout de la laisse s’effondrent  en un instant.

Alors  tu te retrouves tout petit et tout nu  devant ton miroir impitoyable.

Mais peu importe. Tu as écouté ta main. Tu as suivi son chemin. Tu as piétiné les compromis. Et le miroir, même impitoyable, ne te fait plus peur. 

article by Noizette




CHARLIE LE PRIMATE


Autrefois , sur la planète terre, je m’appelais numéro M205476

J’ étais un « primate de laboratoire ».

Ma vie, pauvre vie,  était un long tunnel de souffrance, une interminable agonie. On ne me sortait de ma cage que pour me torturer.

Puis un jour –oh ce jour-là, comment pourrais-je l’oublier  -  une grosse main calleuse a ouvert la porte de ma prison.

Pas la main du chercheur tortionnaire,  cette ignoble main qui s’est détournée de son noble chemin pour accomplir le mal au nom du bien.

Non, celle-là, c’était une belle  main d’homme, une main pleine de vie et d’amour,  je l’ai compris tout de suite.

La main m’a extirpé avec précaution de ma cage, avec une immense douceur , et au-dessus de la main il y avait un visage qui se penchait sur moi,  un visage buriné, avec deux  yeux noirs qui pleuraient, et une bouche que j’ entendais murmurer « mon dieu, quelle honte, quelle honte, mon dieu, mon dieu »

J’étais très étonné de l’entendre invoquer ce dieu qui ne cesse de prouver, depuis la nuit des temps, qu’il est surtout le dieu des méchants.

Mais peu importe les convictions de mon sauveur. L’essentiel c’est son cœur. Et à ce cœur énorme je dois tout.

Ensuite c’est un peu confus dans ma tête, parce que je me suis évanoui. 

Quand je me suis réveillé, j’étais au chaud dans un lit douillet.

Il y avait des gens autour de moi qui me souriaient, et une main réconfortante posée sur mon front –la main de mon sauveur.

J’ai entendu une voix de femme s’écrier :
« Il a ouvert les yeux ! Il vit ! Il est sauvé ! »

Puis un joyeux brouhaha, des gens qui s’agitent,  des bras qui me soulèvent et me calent contre l’oreiller. On me fait boire une citronnade bien fraîche, on me donne une cuillère de miel, un petit bout de gâteau, je suis aux anges, au paradis.

Alors j’entends la voix de mon sauveur qui me dit :

« Bonjour l’ami. Bienvenue sur la planète Goulblick ».

Et il ajoute : «On ne connaissait pas ton nom. Alors on t’a baptisé. Dorénavant tu t’appelles Charlie ».

Texte by Noizette.



LE JARDIN SECRET
Sur le chemin de Compostelle



Tu as arrosé le Jardin Secret, et maintenant tu es effrayé par sa végétation luxuriante.  

Souvent tu paniques, tu refermes la porte et tu t'enfuis en courant. Mais le parfum de l'orchidée te poursuit.                                                                                           

Tu as cru que ce jardin minuscule, niché dans un obscur recoin de ton âme et d’accès si difficile, si difficile, ne franchirait jamais les remparts dont tu l’avais entouré pour te protéger de toi-même, mais il a poussé de manière incontrôlable.

Mille fois tu as voulu te libérer de son emprise, mille fois tu l’as saccagé, et mille fois il a repoussé. 

Car l’orchidée qui vit au fond de toi, au fond de moi, cachée sous le tas de fumier de nos trahisons, de nos lâchetés, de nos peurs, de nos hésitations, de nos mensonges, de nos errances, de nos compromis et de nos vices, est indestructible.

Elle se dresse tête haute, et sa fleur arrogante nous déchire la conscience. 


Noizette





PEGASE

Parfois, dans le ciel de Gagavir, quand le soleil est au zénith, scintille une surprenante et merveilleuse pluie d'étoiles.
Un vent délicieux se lève, tiède et doux comme le souffle d'un ange.
Alors apparaît une forme gracieuse, entourée d'un halo blanc et or. C'est Pégase, le cheval de l'Olympe.
Il se pose délicatement sur le soucoupodrome, replie ses ailes immaculées, remet en ordre sa crinière de tulle, pousse un long hennissement et s'en va au petit trot vers le palais de la Reine, humant les senteurs de la terre, les naseaux frémissants de plaisir.

Noizette - extrait de la planète Gagavir






POPOTINA LA COMTESSE BLEUE


La Comtesse Bleue –surnommée Popotina - est un spécimen rarissime d’ hippopotame nain : L’hippopotamus aquaticus romanticus, qui vit uniquement sur la planète Gagavir,  et n’a rien de commun avec son cousin terrestre, l’hippopotamus amphibius, qui est très dangereux.

En effet l’hippopotamus aquaticus romanticus est très pacifique, adore les enfants, la poésie* et la musique classique, se nourrit de pétales de roses bleues, dort 12 heures par jour et passe le reste du temps à barboter dans l’eau des lagons bleus de la côte occidentale des Grandes Terres de Gagavir. Ses deux canines lui servent uniquement à mastiquer des carambars et des calissons, friandises dont il raffole.  Il a besoin de tendresse, est très sociable et ne supporte pas la solitude.



Sur la planète Gagavir, Popotina la Comtesse Bleue a été nommée Gardienne des Rêves.

le poème préféré de Popotina est un texte de Pablo Neruda, intitulé « muere lentamente », qui dit notamment: 


Vis maintenant!
Risque-toi aujourd'hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d'être heureux!




Elle s’est fait tatouer quelques strophes sur le dos, pour qu’il ne quitte jamais ses pensées.


Noizette - extrait de la planète Gagavir